mercredi 21 octobre 2009

Vis ma vie de Doc-hebdromadaire ! part. 2

10h30.
Une heure à passer avec ma nouvelle 6ème BriseNoix 2009/2010, la 6ème Flaubert dont je vous parle depuis le début de l'année, et pour cause : c'est en permanence du n'importe quoi majuscule, une classe avec des moteurs de recherche internes défaillants, des Google-victims débarquant d'une autre planète.
J'attaque par la face Nord d'un pic extrêmement osé en ce début d'année : une revue de presse...
Les Flaubert ont sous les yeux un quotidien à feuilleter, lire par bribes et commenter. Toutes les photos sont commentées avec force "mmmahhhh....", "mate le gadji, c'est trop foy.....", "m'sieu, comment les gens ils arrivent à pas mourir dans les flammes des bombes"....je préfère pas faire de commentaires, car primo j'ai pas le temps, deuzio cela ne va pas servir à grand chose de les reprendre là-dessus, laissons tout cela mûrir, tertio c'est le meilleur moyen de laisser arriver les perles ! et une pour démarrer - les élèves ont compris qu'un "quotidien" est un journal qui paraît tous les jours. "et un journal qui paraît toutes les semaines...?" ose-je, en rajoutant, grossière erreur, "pensez au cousin du chameau..." et là, les réponses fusent "chamelien, chamélique, chaumélien..." puis "dromadure, drominien....". je cède "non, hebdomadaire". Et là une petite voix "ah ben, vous aussi, vous êtes un hebdromadaire, on vous a tous les jeudi !"
Voilà. désormais, je suis un Doc-Hebdromadaire.

10h45.
Grand fou que je suis, je leur demande de choisir le sujet qui semble a priori les intéresser dans le journal qu'ils ont entre les mains. Des deux sujets préférés (la grippe H1N1 et les plus grands pays musulmans), c'est le dernier qui l'emporte d'une courte main levée. Aïe aïe aie...

Je le sens.
Je sens que, forcément, les ennuis vont démarrer, vu le sujet chaud bouillant et les élèves à moitié demeurés (désolé d'être aussi brutal mais il faut parfois se rendre à l'évidence...). Mais je ne m'attendais pas à ce genre de délire...
Devant une carte représentant les pays qui comptent le plus de musulmans pratiquants, Ottawan lâche : "mais m'sieu, elle est faute, cette carte (oui, vous lisez bien, il a pas dit "fausse" mais "faute"). C'est dans tous les pays qu'il y a des musulmans, parce que Allah il est partout, Allah il est vivant dans tous les pays, on le voit pas mais on sait qu'il est là, Allah, il existe partout".
Re-aïe, sujet glissant, j'allais préparer mes patins pour évoluer en triple axels et double salto tel le roi de la glace quand Addadasurmonbidé me coupe net dans mon double saut périlleux :
"ouais, Allah, c'est comme le père Noël !"
Je me tourne vers Addasurmonbidé, l'air concerné, sourcils froncés. Bon, il a pas l'air de plaisanter, pour une fois. "Je comprends pas, jeune homme...quel est le rapport entre le père Noël et Allah ?
- Ben ils sont partout !
- Oui, enfin, le père Noël, on peut pas dire quand même qu'il existe comme Allah..."
Erreur, grave erreur...
"Ben si, il existe, le père Noël !
- Ben ouais, surenchérit Dalida, c'est comme la petite souris !
- Non, c'est pas pareil, intervient Géronimo, le père Noël il habite à Leclerc !"

Bienvenue dans la quatrième dimension.
Je suis vraiment fatigué, et là, je sens que je perds pied, mais qu'en même temps, je vais vivre un grand moment. Entre temps, monsieur Vichicélestin, descendu chez les CPE avec des élèves qui erraient dans le couloir, est juste derrière la porte, presque caché, et en train de se plier de rire. Moi, je ne ris pas, je n'y arrive pas, l'hallucination totale l'emporte sur la moquerie. Et surtout, surtout, je n'ose penser que ce que je crois est vrai...(en voilà une phrase qu'elle est bien moche mais que je ne sais pas comment le dire autrement !!)
Je les stoppe dans leurs discussions dignes d'un hopital psy :
"attendez...attendez là...on va faire un sondage"
Ils A-DO-RENT les sondages.
"Qui pense que le père Noël existe, à Leclerc ou ailleurs ?"
Et là l'impensable se produit : la moitié des doigts se lèvent, même pas avec hésitation.
Consterné, je suis. Tout comme Ottawan. Il fait glisser le sondage vers le débat argumenté.
"Hé mais vous dites n'importe quoi. Il existe même pas le père Noël, celui du Leclerc il est faux, c'est papa et maman qui mettent les cadeaux dans le sapin, vous êtes fous, vous".
Le pauvre se prend une avoinée de "ouuuhhhh", "tais-toi", "tu dis n'imp'"....la bronca pour Ottawan, limite seul contre tous.
Houmpa-Loumpa se fait l'avocate de la défense (si j'étais présumé coupable, même gratos, je la voudrais pas pour me défendre, la Houmpa-Loumpa) et se lève, fiérote, déclamant de sa plus haute voix de crécelle comme un orateur romain : "Moi, je sais, je l'ai VU, le père Noël, VU avec mes yeux ! Il était à Leclerc, même que son traîneau, ils le gardent dans les congélos de Leclerc et ils le dégèlent pour Noël pour qu'il distribue les cadeaux !"
Je suis entre la jouissance de vivre un grand moment de pédagogie différenciée et d'acculturation optimale, et la consternation totale qui m'abasourdit un peu et m'enlève le courage de gueuler. Je continue donc sur la lancée, je fais fi de ma déontologie professionnelle, allons-y gaiement !
"Ok, tu l'as donc VU, mais est-ce que tu lui as PARLE ?
Pas de réponse. Le débat va peut-être d'un coup être avorté.
Mais c'est sans compter sur Cassandre qui n'avait pas encore réagi. Je me dis, avec le recul, qu'elle préparait son entrée fracassante...jugez plutôt :
"Moi, m'sieu, je lui ai PARLE. Tu fais le 36 30 sur ton téléphone, et tu lui parles au père Noël. Il m'a dit que si je me portais bien, j'aurais la Nintendo DS à Noël. Juré."
Je vous jure à mon tour (car je sais que pas mal de personnes parmi vous pensent que je fabule, que j'en rajoute - ce qui est souvent vrai dans les discussions de tous les jours) que tout est vrai, et même là, je me contente du minimum. Juré.
Je suis semi-décomposé, les mômes qui s'en foutent débattent entre eux sur ce sujet brûlant, Vichicélestin qui est toujours derrière la porte, avec probablement une flaque sous ses pieds depuis le temps qu'il se bidonne, et moi qui tente de faire un bilan de ce débat surnaturel.
"Je RECAPITULE" - silence de mort, genre "on va voir si le prof il a enfin capté que le père Noël il existe".
"Donc, le père Noël habite au Leclerc de Perpignan Nord, son traîneau est stocké dans les congélateurs du magasin, son numéro de téléphone est le 3630 et il est partout comme Allah et la petite souris".
"VVVOOOIIIIILLLLLAAAAAAAA" clame la moitié de la classe, sous l'oeil désapprobateur de Ottawan, l'oeil moqueur de Youssouf, l'oeil torve de Houmpa Loumpa, et l'oeil circonspect de Dayana qui dit très doucement "moi je pense qu'il existe, mais je veux le voir avant". Presque logique, Miss Dayana.
Et j'ose l'ultime question qui tue.
"Mais je comprends pas bien : comment ce père Noël peut être à la fois à Perpignan, à Paris ou même à New York pour distribuer les cadeaux aux enfants ? Comment c'est possible ?
Et là, impassible et le regard méprisant, Dalida :
"pffff...ben le traîneau, M'sieu".
Ah ben oui ! Suis-je con.

Je pense que si j'étais en train de creuser ma tombe de suicidaire, je serais déjà au fond. Je n'en reviens toujours pas. La 6ème Flaubert, des mômes de 12-14 ans, résidents de cités violentes et bien ancrés dans un quotidien dur, croient encore au père Noël. Allez leur parler ensuite des médias en crise, des conditions difficiles des photo-reporters, ou de l'esprit critique face à la masse d'infos dont nous sommes abreuvés. Allez-y, risquez-vous...

La sonnerie retentit. Ils se ruent dans le couloir la tête farcie de grosses conneries, mais avec quand même une grande partie de rêve, ne leur enlevons pas ça...
et ça me fait penser que je suis même pas revenu sur le cas de la petite souris.
Petite souris / Allah / Papa Noël : même combat.

11h25. Besoin de faire une pause..(suite au prochain billet)

mercredi 14 octobre 2009

Vis ma Vie de Doc-hebdomadaire ! part. 1

Un jour comme les autres à Bahutland...

8h15.
Le long couloir s'éclaire peu à peu, j'ai encore pas mal de mètres à parcourir avant d'atteindre le C.D.I. mais je vois et j'entends déjà un petit bonhomme marteler sur la porte en continu. Des "toc, toc, toc" interminables, l'élève de dos ne change pas de posture, ça ferait deux heures qu'il frappe ainsi que je n'en serais pas étonné. je m'approche doucement, pas encore super réveillé, et je lui dis doucement "bonjour..."
- AAAAAHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHH !"
Un bond en arrière terrible, il se fracasse contre la porte qui a déjà reçu pas mal de coups, un peu terrorisé. Pour ma part, ça y est, je suis bien réveillé. L'élève reprend peu à peu son souffle :
- Qu'est-ce que vous faites là, m'sieu ?
Soufflé que je suis, à mon tour.
- Ben euh...comment dire...j'arrive.
- Mais d'où ?
- Ben euh (bis...)...de chez moi, de ma maison...
Il se retourne et pointe le doigt vers la porte du C.D.I.
- Mais...vous habitez pas là ?
Pincez-moi, je dors, là. Je m'imagine subitement avec un lit-baquette au C.D.I., dans la réserve, avec mes plateaux-repas froids de l'armée le soir, m'endormir en lisant un des 10000 bouquins du C.D.I. à la lumière des néons, et me réveiller le lendemain courbaturé, me faisant un petit sachet Nespresso granules en attendant l'arrivée des élèves...Chienne de vie.
- Ben euh...(ter...)...non, Biloute, je vis pas ici, j'y travaille, c'est tout. J'ai une vraie maison, loin du collège.
- Ah...
Je suis un briseur de rêves...et je me soigne. Le môme s'éloigne un peu contrarié mais surtout super surpris, et il ajoute :
- C'est nul pour vous ! Je suis sûr que votre maison elle est moins bien, y'a moins de livres et de nordinateurs !"
C'est pas faux, c'est pas faux...

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9h20.
Je pars récupérer les élèves déjà en étude et qui veulent venir au CDI. Terry, un surveillant, me prévient : "y'a deux classes en étude, deux profs absents. Ils sont en surchauffe."
Bon, je m'approche doucement de la fournaise, à peine entre-je dans la salle d'étude que j'entends :
"aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaahhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhh..."
manquent plus que des bras levés et on se croirait à l'entrée des équipes de foot au Stade de France pour une finale de Ligue 1.
Passée cette Ola brouillonne, je lance un "bonjour, qui vient au CDI ?" et une forêt de mains est offerte à mon regard inquiet. Plus de 25 élèves = plus de gueulantes à pousser dans quelques minutes. Mais je me décide, bon seigneur, à alléger l'étude qui me paraît à bloc et 25 élèves me suivent comme une nuée de criquets.
15 minutes après avoir rangé les sacs dans les casiers, récupéré leurs carnets de correspondance et leur avoir rappelé le règlement du lieu (en gros, tu bosses ou tu lis et surtout tu la fermes pour le respect de tous), la nuée de nuisibles prend place, les uns devant les ordis, les autres sur les fauteuils moelleux de l'espace lecture, quelques rares studieux sur les tables de travail.
L'heure va se passer à peu près calmement, une seule perturbatrice foutue à la porte 5 minutes pour se calmer un peu (les animaux moches, ça la fait rire, elle tient plus). J'ai à peu près de la chance, une heure quasi normale, je peux avancer sur les compte-rendus de projets demandés par ma hiérarchie.

10h15. La récré.
Pendant que des mômes courent dans les couloirs, échappant aux surveillants comme aux remarques de profs, ces derniers se réunissent pour un quart d'heure autour de la machine à café, de la photocopieuse, de la poubelle à clopes dans l'espace fumeur à l'extérieur. ça gueule, ça rigole, ça se consterne, ça hallucine, ça s'énerve, ça se fatigue déjà même si la journée a à peine commencée, de vrais ados. Je bouffe deux pépitos en sirotant un café noir de chez noir, on déconne avec trois collègues, la soupape de sécurité dure 10 minutes, mais elles sont précieuses.

10h30.
Le père Noël va bientôt débarquer -> suite au prochain billet...

mardi 13 octobre 2009

The Perle du jour...

Une gamine me lit mon horoscope.
"Aujourd'hui, vous aurez quelques problèmes domestiques..."
Elle se retourne vers moi :
"M'sieu, vous avez des problèmes avec vot' chien ??"


Autre perle, musicale cette fois :